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parents d'Elio (07/09/05)
Elio est né le 07 septembre 2005 à l'issue d'une grossesse épanouie rythmée par la salsa que ses parents dansent jusqu'à terme. Nous accueillons comme tous les géniteurs l'enfant prodige, l'une des sept merveilles du monde, nous nageons alors dans le bonheur.
Plusieurs mois se passent sans que l'on observe quoique ce soit d'anormal si ce n'est un torticolis prononcé que des séances de kinésithérapie sur plus d'une année parviendront à éradiquer. A l'orée de son huitième mois, quelques doutes s'immiscent; musicien à ses heures, papa s'aperçoit d'un fait troublant : les contines jouées au piano ou à la guitare laissent de marbre le chérubin alors que les mimes de maman paraissent au contraire plus captivants. Mieux, lorsque papa relève les morceaux à la basse, Elio s'approche de l'ampli et manifeste une excitation particulière, il touche les boutons et les cordes de l'instrument, riant à gorge déployée... Le doute est là, l'espoir aussi. Elio fait des otites à répétition, nous gageons sur cet état pour justifier son absence de réaction notamment lorsqu'une porte claque violemment derrière lui sans que cela ne le trouble le moins du monde.
Nous sommes au mois de mai 2006, nous avons acquis la conviction qu'Elio n'entend pas bien, nous espérons toujours que la cause est passagère et surtout de faible ampleur. Papa décroche le combiné et sollicite tous les ORL de la région en quête du premier rendez-vous, nous sommes paniqués, terriblement objectifs sur la situation. Sensibles à notre désarroi, les infirmières du service ORL de l'Hôpital d'Aix acceptent de plaider notre cause auprès du professeur DE CUTTOLI afin de nous faire recevoir en urgence. Son diagnostic, réservé pourtant, indique des pertes auditives sévères, peu quantifiables du fait d'otites séreuses à soigner au préalable : "malgré les otites, il devrait entendre plus que ce qu'il ne perçoit aujourd'hui...".
Le ciel nous tombe sur la tête, ce que nous craignions est arrivé... à nous. Ca n'arrive pas qu'aux autres... la preuve ! Nos certitudes s'effondrent, il faut tout repenser, tout revoir, notre vie vient de basculer... Nous recherchons alors frénétiquement des informations, des conseils ou des témoignages ; les mois de juillet et d'août 2006 font la part belle à l'anticyclone des Açores, mais nous, nous sombrons peu à peu dans la dépression...
Nous nous apercevons immédiatement qu'il n'existe aucune structure coordonnée pour le monde des sourds, que cet univers subit lui aussi la loi des castes, que des choix sont à faire entre la LSF, le LPC, l'implant ou les appareils auditifs, les institutions spécialisées ou les structures classiques, telle association plutôt qu'une autre... Un parcours initiatique s'amorce pour nous.
Dès le mois de juin 2006 nous prenons attache avec le CHU de la Timone à Marseille, nous sommes chaleureusement accueillis au CAMSP. Pendant plusieurs semaines des dépistages vont se succéder et vont confirmer la surdité profonde d'Elio. Nous suivons à la lettre les conseils du CAMSP, prise en charge taxi, choix d'appareiller Elio sur les deux oreilles et réglages coordonnés par le Dr ROMAN en relation avec le laboratoire PONTET.
Maman décide de mettre entre parenthèses sa carrière professionnelle, plusieurs rendez-vous hebdomadaires compliquent sérieusement sa position au sein de son activité tant dans ses relations hiérarchiques que dans sa qualité de service. Ce nouveau positionnement ne fait qu'accroître le malaise dans notre gestion de vie, le couple souffre. Personne ne nous comprend et nul ne semble capable de nous fixer un cap ou des objectifs précis ; le CAMSP nous met très vite en garde concernant la fréquence des rendez-vous qu'il va falloir honorer, on nous propose de voir un psychologue, on nous plonge ad vitam eternam dans le monde des hôpitaux et des instituts spécialisés.
Dès la rentrée pourtant, nous prenons des décisions fortes, nous avons décidé de ne pas subir et de nous battre : "ça passe ou ça casse !". Notre vie affective va se rétablir, nous allons écumer le net à la recherche de toutes les informations pour pouvoir appréhender tous les choix qui nous sont permis. Nous nous apercevons que les appareils auditifs ne donnent aucun résultat, nous décidons de peser afin qu'Elio soit très vite implanté. La procédure du CAMSP doit être respectée, il faut que les parents soient bien au fait des conséquences de cette décision... mais dès septembre elle est pour nous prise et immuable ! On tentera bien sûr encore de nous persuader d'essayer de nouveaux appareils, d'effectuer une kyrielle de réglages et réfléchir encore... Le Dr ROMAN abonde dans notre sens, il a été d'une gentillesse et d'une disponibilité incommensurables sans parler de la gentille délicatesse dont il a usé à l'endroit de notre fils : nous ne le remercierons jamais assez.
La décision d'implanter Elio intervient donc avant la fin du dernier trimestre 2006. Nous avons dans ce laps de temps pensé aux choix de vie que nous souhaitions pour notre enfant : une tête bien faite et favoriser au mieux son intégration dans le monde dans lequel il vit ; nous considérions que son épanouissement en tant qu'adolescent et homme en devenir, et son intégration future dans le monde du travail passaient par des efforts particuliers dès sa petite enfance. Nous avons eu la chance de connaître COQUELICOT par le Dr ROMAN, et de retrouver ces idéaux. La notion de bilinguisme et la multiplication d'outils pédagogiques s'imposent à nous. Nous décidons de favoriser l'oralisme aidé par le LPC qui permet la décomposition de la syntaxe et donc de favoriser à terme l'acquisition et la compréhension de la langue Française, d'acquérir ab initio les rudiments de LSF pour ne pas l'exclure de la communauté des sourds non implantés, et d'employer la DNP pour favoriser l'apprentissage syllabique de la langue.
Elio est implanté le 14 février 2007 à l'âge de dix sept mois par le Professeur TRIGLIA, tout se déroule bien. Nous enregistrons très vite des progrès en termes d'acuité auditive, d'autant que nous mettons immédiatement en œuvre les techniques ci-dessus énumérées. Il faut toutefois reconnaître que notre position ne trouve pas un écho favorable dans les services du CAMSP notamment auprès de son chef de service ou de sa phoniatre. Aucun intervenant ne dispense de cours de LPC ou ne le pratique à la TIMONE, pire nous sommes dissuadés de le faire... On préfère nous parler des Hirondelles, de LSF ou de communauté de sourds et pourtant...
Elio fréquente une crèche municipale, celle de la Baume, il y observe un développement remarquable auprès des enfants dits "normaux", il n'est pas exclu, bien au contraire, il est la mascotte des lieux voire l'instigateur de coups qui font sourire ses "nounous"... Elles observent comme nous les progrès qu'Elio fait jour par jour, un balbutiement, une syllabe ou...un mot...Certaines de ses nourrices demandent à bénéficier de formations afin d'accélérer le processus d'intégration d'Elio, mais hélas, pas de LPC à la TIMONE... quasiment aucune interaction entre crèche et hôpital.
Nous décidons de prospecter les orthophonistes libérales dès juin 2007 d'autant que maman bénéfice de l'Aide Journalière de Présence Parentale (AJPP) pour pouvoir assurer les soins autant que nécessaire, il nous paraît indispensable de palier les carences de l'institution CAMSP, retards des orthophonistes quand ce ne sont pas les absences, perdre plusieurs heures dans un taxi pour un rendez-vous quelques fois écourté, des méthodes pédagogiques qui ne correspondent pas à nos inclinations intellectuelles. Nous rencontrons Madame TULASNE Sylvie, une perle, ouverte à toutes les méthodes didactiques permettant de faciliter l'intégration future d'Elio dans le monde, celui dans lequel il vit et qui ne se résume pas à sa communauté de malentendants ou de sourds.
En dépit des progrès fulgurants qu'il accomplit, dans des temps records, il n'est toujours pas question de coopération avec le CAMSP de la Timone, nos divergences vont s'accentuer avec la question de la scolarité dite normale pour Elio. Le postulat de base étant la vie sociale et l'épanouissement personnel, il nous semblait capital que notre enfant évolue comme tous les enfants et que les séances d'orthophonie ou de soins s'articulent autour de ces activités, scolaires mais aussi socio culturelles ou sportives. Pour le CAMSP le problème est inversé, l'hôpital d'abord et accessoirement deux ou trois demi-journées à l'école...
A la veille de la rentrée 2008, nous entérinons le divorce avec le CAMSP, seules demeurent les séances trimestrielles de réglages avec la phoniatre, Mme SILHOL. Trois séances d'orthophonie sont dispensées chaque semaine, Elio s'y rend avec enthousiasme et participe activement aux activités proposées.
Nous sommes à la veille des vacances scolaires de Noël et le bilan est là : Elio est en cours d'acquisition des bases de langage, de construction de phrases, il parvient à se faire comprendre, il est en capacité de lire des syllabes voire même des groupes de syllabes, quelle ne fut pas notre surprise lorsqu'en regardant sa mère, qui portait un teeshirt, de lui dire : "maman, PU-MA" ! Grâce au LPC, il parvient à décoder la plupart des informations que nous voulons lui transmettre notamment lorsqu'il n'est pas "connecté", il développe un mode expressionnel qui mélange LSF, LPC ou même DNP, mais l'essentiel est là : il s'intègre et s'épanouit. Dans sa classe comme dans son club de Gym, il fait comme tous les autres, il vit sa vie d'enfant et ses parents sont fiers de lui...